L'IMPORTANCE DE L'ANALYSE DES MATÉRIAUX POUR L'ÉTUDE DES SARCOPHAGES DE LA GAULE NARBONNAISE
Vassiliki GAGGADIS-ROBIN*
Les sarcophages d'époque impériale en Gaule1 (IIe-IVe s. de notre ère) sont des produits de consommation qui se placent dans un courant commercial précis. L'importance de l'analyse des matériaux nous a paru évidente, aussitôt que notre recherche sur les sarcophages a dépassé le cadre d'un simple catalogue. L'étude des formes, les comparaisons iconographiques fort utiles dans le cas d'un produit qui s'inscrit aisément dans une série bien connue, ne suffisent plus dès qu'on est en présence d'un sarcophage difficile à classer dans un type ; c'est alors que l'analyse du matériau peut être d'un grand secours.
L'approche du matériau peut être simplement visuelle, aidée par des indices extérieurs, ou fondée sur une étude physico-chimique. Il est assez aisé de reconnaître un calcaire et de le distinguer d'un marbre, en observant attentivement la pierre et la mise en œuvre du décor. C'était le cas à Vienne2, où je me suis contentée d'une approche visuelle et esthétique du matériau. Quelques sarcophages décorés
*C.N.R.S. - Centre Camille Jullian
(1) Ils constituent un programme de recherche que je mène depuis 1992 à l'intérieur de l'opération « Sculptures de Gaule Narbonnaise » du Centre Camille-Jullian.
(2) « Les sarcophages décorés du Musée de Vienne (Isère) », dans RAN29, 1997, p. 145-171 (en collaboration avec J. Gascou).
semblent, d'après leur facture et leurs matériaux modestes (fig. 1), provenir des ateliers locaux actifs autour du début du IIIe s. (ils utilisent des matériaux de la région, comme par exemple la pierre de Choin, dont les carrières se trouvent à quelques kilomètres de Vienne). Le répertoire iconographique s'inspire des modèles venus d'Arles, modèles qui sont diffusés par la suite jusqu'en Germanie. Cependant, cela ne signifie pas que l'analyse des calcaires utilisés pour les sarcophages soit inutile surtout dans le cadre d'une étude sur des ateliers locaux.
L'analyse devient en effet nécessaire dans le cas des marbres blancs, dont l'origine précise est difficile à distinguer à l'œil nu, sauf quand l'apparence extérieure du marbre le permet. L'examen de l'apparence extérieure du matériau est une tradition ancienne, puisque les poètes latins chantaient déjà l'éclat du marbre de Paros ou les veines de celui de Proconnèse. L'origine d'un couvercle de sarcophage en marbre blanc à cristaux fins, conservé au Musée d'archéologie méditerranéenne de Marseille3 (fig. 2), est révélatrice, de ce point de vue. Alors qu'il était admis depuis 18344 qu'il était originaire de la
(3) Inventaire n° 1672.
(4) Notice des tableaux et monuments antiques qui composent la collection du musée de Marseille, Marseille, 1834, (imprimé par Achard), p. 48 n° 38.
R.A.N. 33, 2000, p. 280-285.